Edito - Un dur baptême du

Edito - Un dur baptême du feu

Il faut toute la force tranquille d’un montagnard savoyard habitué aux pentes les plus rudes et aux précipices meurtriers pour accepter de gouverner un pays ingouvernable. Tiraillé entre les forces contraires des extrêmes, chatouillé dans son propre camp par des lignes rouges rapidement dessinées par ses « amis », Michel Barnier a au moins trouvé le ton, mardi, pour son discours de politique générale.
Si la situation n’était aussi grave, on s’amuserait presque à observer les mêmes qui ont creusé le trou de 1 000 milliards ces sept dernières années s’ériger aujourd’hui en grands défenseurs des Français et des entreprises. Ils exigent que le nouveau gouvernement n’augmente pas les impôts. Mais il faut quand même commencer à combler le trou abyssal de 3 228 milliards de notre dette publique. Pour laquelle nous payons désormais 51 milliards d’intérêts par an, en majorité à des prêteurs étrangers, ce qui fait de ce poste de dépenses le deuxième derrière celui de l’Éducation nationale.
Nous aurions mauvais esprit que nous rappellerions ici que la France emprunte maintenant plus cher que la Grèce et le Portugal. Car la signature de notre pays est désormais ressentie comme plus risquée que celle de ces deux pays dont la classe politique française n’avait pas de mots assez définitifs jadis pour décrire l’impéritie. On pourrait aussi se souvenir qu’aujourd’hui les plus sévères contempteurs de cette dette sont les mêmes que ceux qui hier réclamaient toujours plus de l’État, les exemples en sont nombreux.
Barnier se voit donc contraint de reporter de deux ans le retour aux 3 % de déficit, objectif qui reste cependant théorique et à la merci d’une nouvelle crise. Avant cela, il ne disposera que de quelques jours pour présenter son projet de budget pour 2025 et affrontera, dès la fin de cette semaine, sa première motion de censure. Joli baptême du feu !
On versera peu de larmes de crocodile sur l’augmentation annoncée de la fiscalité sur les très grandes entreprises ayant réalisé des super profits. On veut aussi croire à « un effort ciblé, limité dans le temps » pour les plus fortunés. Nous sommes maintenant arrivés au moment du repas où l’on présente l’addition de 50 ans de déficits chroniques : il faudra bien se partager la douloureuse et peu de Français échapperont à l’effort.
« En même temps », le Premier ministre hérite des déserts médicaux qui recouvrent quasiment tout le territoire. Des hôpitaux endettés qui manquent de personnels soignants. Du débat empoisonné sur l’AME (aide médicale de l’État), que la frange droitière la plus dure veut supprimer « quoi qu’il en coûte » humainement aux malades. La sécurité, le pouvoir d’achat, l’immigration, les retraites, la simplification administrative, la proportionnelle, l’environnement sont d’autres priorités que Michel Barnier a citées. Pour cette législature, il veut moins de textes mais « plus de temps pour en débattre ». Façon de reconnaître que le vrai pouvoir se trouve aujourd’hui davantage au palais Bourbon et au Sénat qu’à Matignon ou à l’Élysée.
Jean-Michel CHEVALIER

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