Immigration : Dans (...)

Immigration : Dans l’attente d’une nouvelle loi

« Créer une unité de coopération pour échanger des renseignements sur les réseaux de passeurs de migrants  », tel était le but de la venue de Michel Barnier et de Bruno Retailleau à Menton. Le Premier ministre et son ministre de l’Intérieur y ont rencontré leurs homologues italiens pour parler de ce projet «  préparé depuis plus d’un an entre les deux pays » et qui doit trouver sa concrétisation dès janvier 2025.

Cette nouvelle unité de coopération sera physiquement installée à la frontière à Vintimille. À ce stade, on ignore encore son organisation précise, mais elle regroupera les forces françaises et italiennes engagées contre les passeurs et contre l’immigration illégale : police de l’air et des frontières, douanes, carabinieri, etc. Elle doit permettre «  le déclenchement d’enquêtes judiciaires, souvent communes, visant à démanteler les réseaux structurant les flux illégaux via l’Italie vers l’ensemble des pays de l’Union » détaille Bruno Retailleau.

L’exemple britannique

Cette unité sera une sorte de copié-collé de la structure existant entre la France et la Grande-Bretagne depuis 2020, qui avait été largement inspirée par le Brexit et la volonté de Londres de mieux contrôler l’accès à son territoire. « Cette dernière a démontré son efficacité  » considère le nouveau locataire de Beauvau. Pourtant, 23 000 migrants ont quand même tenté depuis le 1er janvier la traversée de la Manche sur des canots pneumatiques, une cinquantaine de personnes payant cette aventure de leur vie.
Côté français, le plus politiquement explosif reste la confirmation d’une nouvelle loi sur l’immigration (la trentième en 30 ans !). Beaucoup considèrent en effet que le très droitier Retailleau marche sur ce sujet au même pas que le Rassemblement national, lui-même proche des idées radicales de Giorgia Meloni sur l’immigration. C’est pourquoi Michel Barnier a pris grand soin d’indiquer, à peine son pied posé sur le sol mentonais, que le gouvernement va travailler sur ce texte «  dans le calme, avec du sang-froid, avec le souci d’éviter l’idéologie et les polémiques ». Une prudence de démineur qui ne sera sans doute pas inutile…

Nouveau tour de vis ?

Sous l’effet du vote des Européens en juin dernier et de la poussée de l’extrême droite, la plupart des pays donnent désormais un tour de vis. Même l’Allemagne, qui resta longtemps la plus « ouverte », a rétabli le contrôle à ses frontières depuis quelques semaines, en principe de façon temporaire. De quoi montrer à son opinion publique, traumatisée par des attentats, que les autorités se préoccupent de la question, même si terrorisme et immigration sont des sujets distincts, parfois imbriqués à la marge. Bruxelles veut aussi renforcer les frontières extérieures des 27, condition sine qua non d’une libre circulation à l’intérieur de l’espace européen.
«  Si on veut que le pacte asile et immigration européen soit appliqué en France », cela demande une «  transposition dans la loi française » a rappelé Michel Barnier à Menton. Il annonce aussi que la France va « coopérer encore plus avec les pays de transit ou les pays de départ  » pour limiter le flux. En tous cas, il n’est pas question pour Matignon de transférer des migrants vers des pays tiers comme l’Italie l’envisage vers l’Albanie. Car le Premier ministre estime que l’exemple transalpin n’est pas «  transposable » chez nous «  pour des raisons juridiques et institutionnelles ». D’ailleurs, le départ des douze « premiers » migrants illégaux vers l’Albanie voulu par Giorgia Meloni a été annulé par une décision d’un tribunal romain.
Au même moment, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonce aussi une loi pour faciliter l’expulsion des migrants en situation irrégulière.
Michel Barnier et Bruno Retailleau ont été accueillis au poste frontière Saint-Ludovic par une vingtaine de militants de gauche conduits par Cédric Herrou, le « berger de la Roya », qui brandissaient des pancartes « Non au raz-de-marée fasciste » et « Ouvrez les frontières ».
Le nouveau texte promis par le gouvernement est, à l’évidence, attendu au tournant…

J.- M. CHEVALIER

Photo de Une : Michel barnier à Menton le 18 octobre ©Michel Barnier sur X

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