Vers le Grand Schisme

Vers le Grand Schisme ?

Les observateurs n’ont pas été déçus par la tenue du dernier G8 : une sardine est bien venue boucher le port de Marseille. On y a beaucoup discouru du « printemps arabe », de l’enthousiasme occidental pour la démocratisation d’une région longtemps blanchie sous le harnais de la dictature, de l’aide financière que nous autres, pays riches de notre raffinement et de nos dettes, allons déverser sur ces jeunes espoirs d’un monde meilleur. Quand nous aurons retrouvé la clef du coffre. C’était émouvant. L’avantage de se focaliser sur la paille dans l’œil du voisin, c’est d’éviter de bouger la poutre que l’on a dans le sien. Le bloc occidental parvient, sans difficulté majeure, à afficher une unanimité réconfortante sur l’aumône à verser à ses pauvres de Méditerranée, afin de soigner sa bonne conscience et protéger ses intérêts épiciers. Mais s’agissant des affaires de famille, il demeure impossible de dégager un consensus. Et c’est un célèbre inconnu du grand public qui est venu, en fin de semaine dernière, pourrir l’ambiance déjà tendue sur les marchés financiers et entre membres de la Communauté.

Jürgen Stark, Economiste en Chef de la BCE, et donc à ce titre grand chambellan de la maison financière européenne, vient de donner sèchement sa démission. Les « raisons personnelles » invoquées sont notoirement professionnelles : il est le porte-drapeau sourcilleux de l’orthodoxie teutonne en matière de dogme monétaire. A ce titre farouchement hostile à l’hérésie galopante, consistant pour la Banque centrale à racheter par grandes brassées la dette des pays décavés. Disons-le tout net : dans le système que nous avons adopté, la position de Stark est totalement justifiée. Pour conserver sa cohérence, l’idéologie dominante doit accepter la faillite des Etats ruinés et les dommages collatéraux qui y sont attachés. C’est une conséquence directe du principe de réalité : de la même façon que l’on ne peut faire boire l’âne qui n’a pas soif, on ne peut exiger le remboursement de celui qui est ruiné. Avec la démission de Stark sont donc mises sur la place publique les dissensions qui minent le board de la BCE, et la menace d’un schisme au sein du temple monétaire européen. Le parallèle va bien au-delà des apparences : le Grand Schisme d’Occident a largement résulté des bouleversements consécutifs au nouvel ordre né de l’affaiblissement de la féodalité. Les féodaux des temps présents parviendront-ils à préserver leurs prérogatives ? Verra-t-on s’installer une nouvelle Banque centrale en Avignon ? Ou une caisse non-orthodoxe à Athènes ? Les paris sont ouverts et l’avenir incertain. Ce qui est toutefois prévisible, c’est que les autorités vont être obligées de renoncer à leurs atermoiements passés. Ça va chauffer.

La recette du jour

Emprunter pour devenir banquier

Vous recherchez le moyen de tirer parti de l’incertitude des temps présents. Empruntez une montagne d’euros et achetez des rues entières à Athènes. Puis demandez la nationalité grecque. Quand la bise sera venue et la faillite hellène convenue, vous conserverez vos immeubles. Avec vos profits en drachmes, créez alors une banque.

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