Un pas vers le désordre

Un pas vers le désordre

On a ce matin une pensée émue pour ces pauvres chefs d’Etat et de gouvernement : le job ne prévoit pas de pause syndicale réglementaire, pendant la prétendue trêve estivale. Ils sont cette année un peu plus pâles qu’à l’ordinaire : pour être privés de bronzette, d’abord, et ensuite pour subir une pression qui leur glace les sangs. Ils ont passé ce dernier dimanche au téléphone, à tenter de dégoupiller la grenade que l’agence S&P leur a jetée dans les pattes, en dégradant la note américaine. La sanction pendait au nez de l’Oncle Sam, en dépit de ses protestations de bonne santé, et les conséquences en sont tout bonnement incalculables. La première a été d’accentuer la panique sur le marché de la dette… européenne, dès lors que les spéculateurs découvrent soudainement que l’Espagne et l’Italie, avant la Belgique et bientôt tous les autres, ne pourront probablement pas honorer leurs engagements. La « réponse » franco-allemande à ce défi a été touchante : on va poursuivre ce qui a déjà été décidé, encourager Espagnols et Italiens à raboter leurs dépenses et envoyer la balle dans le camp de la BCE. Que la Banque centrale se débrouille pour calmer la finance mondiale, afin que nos éminences puissent enfin aller se baigner.

L’eau du bain est encore un peu fraîche ce matin, dans les piscines boursières : Tokyo, Shanghai et Hongkong poursuivent leur glaciation, après la dégringolade des places moyen-orientales ce week-end. Pourtant, notre Banque centrale s’est fendue d’un communiqué bien dans le style de Trichet, où elle annonce la reprise de ses achats de dettes souveraines, sans préciser lesquelles – rien de neuf, donc, sous le soleil. Et au cas où l’on n’aurait pas compris, elle enfonce le clou : « Ce programme a été conçu pour permettre de restaurer une meilleure transmission de nos décisions de politique monétaire, en prenant en compte des dysfonctionnements du marché, et donc d’assurer la stabilité des prix dans la zone euro ». Voilà qui est clair : les marchés ne respectent pas la divine autorité de l’Institut d’émission ; ils font n’importe quoi – d’où des « dysfonctionnements ». Ah lala ! Sont pénibles, tout de même, ces boursicoteurs. Heureusement, Jean-Claude Trichet va sortir sa boîte à outils et nous réparer tout ça en deux temps trois mouvements. Si ses collègues du Conseil de la politique monétaire ne le privent pas des clefs à mollette : tous ne sont manifestement pas d’accord sur les moyens d’intervention… On ne sait comment les places européennes réagiront ce matin – sans doute pas très bien. Mais quand bien même connaîtrait-on une accalmie, elle sera de courte durée. Que ce soit sur le plan politique ou sur le terrain monétaire, les décisions se suivent et se ressemblent : trop peu, trop tard. La machine est devenue irréparable : il va falloir construire une nouvelle usine.

La recette du jour

L’or du silence

Vous avez jusqu’à ce jour conduit vos affaires avec autorité : vos décisions étaient honorées et votre parole respectée. Mais voilà que tout se met à dérailler et que vos ouailles doutent du bien-fondé de vos actes et de la sincérité de vos dires. Cessez de vous justifier, car en matière d’argent, le silence est d’or.

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