Repentance de concierge

Repentance de concierge

On est bien embêté ce matin, voyez-vous. Un cas de conscience épineux soumis par notre concierge, qui a été nuitamment confrontée à une crise de repentance. Et qui envisage de convoquer tous les médias de la planète pour leur livrer des aveux circonstanciés. Afin de mettre un terme au remords qui la ronge depuis une quinzaine d’années, époque où les faits terribles se sont déroulés. Voilà : elle a accepté quelques amulettes d’un marabout africain, en échange du droit pour lui d’inonder de prospectus les boîtes aux lettres. Alors que le règlement de l’immeuble était et demeure formel : pas de pollution publicitaire dans les boîtes. Certes, les faits sont prescrits ; certes, les valisettes en faux-croco sont depuis longtemps parties à la poubelle ; certes, le marabout a depuis lors trépassé, à la suite d’un mauvais sort jeté par l’un de ses confrères – authentique sorcier, lui. Mais voilà : la vieille dame du troisième eut recours aux services de ce charlatan. Elle y perdit une bonne part de sa fortune et le peu de raison qui lui restait : notre tourière en est encore toute retournée.

Plusieurs tasses de tisane de verveine n’ont pas suffi à la dissuader, pas plus que la demi-bouteille de gnôle que l’on tenait de la distillation illégale d’un vieil oncle picoleur. Voilà pourquoi ces ignominies indicibles vont s’étaler aujourd’hui dans tous les journaux et vont donner lieu à d’interminables litanies sur le métier sulfureux de concierge, sur la réglementation surannée qui prévaut dans les immeubles bourgeois et sur l’ignominie du passé colonial de notre pays, qui a favorisé la rouerie maraboutique et perturbé la mémoire de nos petits vieux. On a pourtant tenté de convaincre la pipelette que la levée tardive de secrets inavouables ne contribuerait pas à moraliser la corporation des sorciers ; que son poste n’était pas soumis à élection et qu’il était donc inutile de suspendre le linge sale aux fenêtres, et enfin qu’en droit français, nul ne pouvait se prévaloir de sa propre turpitude. « Je sais bien, a répondu la concierge, j’ai mon diplôme d’avocat. Mais je veux être en paix avec ma conscience ». Voilà donc la confirmation de ce dont on se doutait un peu : quand un avocat se transforme en concierge, il est rapidement soumis à des problèmes de conscience. Et il s’expose au feu nourri de ses honorables confrères. Ainsi qu’à l’opprobre de l’opinion.

La recette du jour

Délation sans absolution

Vous avez tenu pendant les lustres un claque de quartier. Et accueilli à ce titre nombre de personnalités venues s’encanailler. Votre remords est légitime maintenant que vous avez fermé boutique. Vous pouvez avouer publiquement vos fautes passées. Mais si vous dénoncez vos anciens clients, vous n’obtiendrez pas l’absolution. Vous écoperez d’un procès d’intention pour recel de mauvaise foi.

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