Prélèvement à la source

Prélèvement à la source

Nostra culpa : on avait tort de pointer du doigt l’impuissance des autorités face à la crise. On avait tort de critiquer les atermoiements, les faux-semblants, les rodomontades et les quarts de demi-mesures qui ont émaillé la vie communautaire de ces dernières années. On avait tort de stigmatiser le manque d’imagination de nos éminences. Car le sommet des 27, le week-end dernier, a breveté une technique imparable pour résorber les crises financières passées, présentes et à venir. La phase-test devrait s’appliquer, ces jours prochains, à une petite économie de la Zone : Chypre, un ilot méditerranéen où l’on parle le grec et le turc, mais où fleurissent les écoles d’anglais et les blanchisseries de fonds russes. Les banques locales ayant abusé de poudre à laver toxique, sous la forme d’emprunts d’Etat grecs, le pays se trouve complètement lessivé et ses besoins de capitaux frais représentent l’équivalent du PIB du pays. C’est beaucoup, évidemment. Et trop, en tout cas, pour qu’une telle somme puisse être remboursée. Même à la ??????????????, la Saint-Glinglin orthodoxe.

En foi de quoi l’UE vient-elle d’inventer le « plan de sauvetage » le plus radical et le plus efficace qui se puisse concevoir. Les bailleurs allongeront des billes si Chypre fait la moitié du chemin. En faisant prélever sur les comptes des clients les fonds nécessaires à la recapitalisation des banques. En contrepartie, les titulaires détroussés recevront des actions desdits établissements, qui valent d’ores et déjà un peu moins que des assignats. Il s’agit là de la forme la plus aboutie du prélèvement à la source, un mode de financement public consistant à prendre l’argent là où il se trouve. La méthode est indiscutablement radicale. Elle promet toutefois d’être mal perçue par les déposants, qui bénéficient tous, en Europe, de la même garantie gouvernementale sur l’intégrité des 100.000 premiers euros de leurs comptes, en cas de déroute bancaire. A Chypre, pour prévenir la faillite des établissements, la garantie en cause vient d’être dévaluée de 6,75%. Au-delà du seuil, il n’en coûtera que 9,9% pour éviter d’être totalement dépouillé. C’est finalement assez bon marché – pour peu que la banqueroute soit évitée, bien entendu. Il en résulte ce constat : pour préserver les intérêts des (gros) créanciers du système financier, on a commencé par étriller les contribuables. On décide maintenant de décaver les clients des banques. Il ne faudra pas beaucoup de temps aux Européens pour se sentir tous Chypriotes. Et empiler leur épargne sous leur matelas. Si les banques veulent bien leur délivrer des cabas entiers de biffetons, ce qui n’est pas garanti par la Constitution.

La recette du jour

Affection capitalisée

Vos affaires deviennent difficiles. Vous n’êtes pas le seul dans ce cas, même si les embarras des autres ne vous rassurent pas. Adoptez des dispositions radicales : prélevez 10% sur le compte de vos fournisseurs et de vos clients. En échange d’une promesse d’affection sincère et durable. Si ça ne suffit pas, devenez banquier à Chypre.

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