Obama et les écrouelles

Obama et les écrouelles

Dans n’importe quel pays, c’est désormais une épreuve herculéenne que d’accéder à la magistrature suprême. Et rien alors ne garantit au vainqueur un pouvoir viager : il lui faudra régulièrement remettre son titre en jeu, combattre ses challengers jusqu’à la dernière extrémité, distribuer des promesses par brassées, serrer des mains jusqu’à la tendinite, aligner des sourires jusqu’à la paralysie faciale et des discours jusqu’à l’aphonie. Il faudra en outre dépenser pour l’occasion beaucoup d’argent. Heureusement, la République est bonne fille et fait payer aux contribuables les frais de ces olympiades. Aux temps anciens, le rituel était plus rare et donc moins coûteux : le fils aîné succédait à son père, et pour peu que le successible ne fût pas trop impatient, ni le monarque trop friand de champignons, le changement de règne suivait le rythme popote du trépas naturel. Nos ancêtres ont-ils été bien inspirés de revendiquer la démocratie élective ? On ne le jurerait pas. D’autant plus que l’argument invoqué, celui de l’illégitimité du pouvoir dynastique, relève d’une mauvaise foi de mécréants.

Bien que nos lointains aïeux fussent ignorants des lois de la génétique, leurs rois se transmettaient un don qui témoignait de la bienveillance divine à leur égard : le pouvoir de guérir les écrouelles, que la cérémonie religieuse du sacre venait consolider. Les témoignages sont légion : Saint-Louis aurait résorbé quantité de ces ganglions tuberculeux sans recourir à la chimiothérapie ; Jean le Bon aurait soigné moult Anglois quand ces derniers le tenaient captif ; François 1er dispensa sans compter ses talents aux Italiens et aux Espagnols ; Louis XIV fut un stakhanoviste du toucher d’écrouelles. Les statistiques médicales ne sont pas très précises sur les guérisons, ni sur la contribution royale à icelles (car nombre de scrofules finissent par se résorber seules). Mais ce qui compte, c’est la corrélation établie entre le don supranaturel et le statut de monarque, le premier légitimant le second. Le Président Obama, dirigeant calamiteux mais homme de culture, vient de trouver dans l’histoire française l’argument majeur de sa réélection : il s’est découvert un don. La preuve : voilà peu, alors que des familles visitaient la Maison-Blanche, un nourrisson se mit à brailler. Obama le prit dans ses bras et l’enfant se calma aussitôt. « Yes, I can » aurait-il alors murmuré ; le public se signa devant un tel prodige. S’il parvient à exercer son don sur ses partisans, sur ses opposants et tant d’autres qui braillent ouvertement contre lui, alors sera-t-il miraculeusement reconduit dans ses fonctions. Et après lui les enfants de ses enfants jusqu’à la septième génération.

La recette du jour

Le pouvoir et le don

Vous avez trimé comme un forçat pour conquérir le pouvoir et déjà se propage la rumeur du mécontentement. Réunissez vos opposants et déclarez à leur leader que vous lisez en lui le souhait de vous dézinguer. Impressionnées par votre don de télépathie, les foules vous légitimeront comme leur chef. Mais dès que vous tomberez en panne de lecture, déménagez dare-dare en Arabie saoudite.

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