Notre espoir à La Havane

Notre espoir à La Havane

Enfin un spectacle réjouissant : les prévisionnistes retrouvent le sourire. Ils ont localisé la future locomotive de l’activité mondiale, celle qui va se substituer à la ménagère yankee, devenue parcimonieuse. Non, ce n’est pas la Chine. Pas encore : pour l’instant Pékin consacre sa cagnotte au soutien du crédit de ses principaux acheteurs, et accessoirement à l’achat de quelques actifs patrimoniaux de bon père de famille : quand la Chine aura fait main basse sur la poste grecque et les vignobles portugais, on lui vendra peut-être la Joconde en crédit-bail. Non, non, ne cherchez pas non plus parmi les émergents d’Amérique du Sud : d’accord, leur quotidien s’améliore. Mais ils n’en sont pas encore à dévaliser nos vitrines bling-bling. En vérité, le salut de nos économies essoufflées réside dans un Etat où la soif de consommation est intacte, pour n’avoir pas été étanchée pendant les soixante dernières années. Vous l’avez reconnu, c’est Cuba.

Les réformes vont bon train, à La Havane, depuis que Fidel a cédé les rênes à Raul, son frérot. Mettez un gamin aux commandes et vous obtenez des mesures décoiffantes. Voilà peu de temps qu’a été institué le statut d’entrepreneur individuel. Une véritable révolution. Lénine s’est retourné dans sa tombe, mais les premiers résultats sont déjà perceptibles : les nouveaux businessmen ne savent pas quoi faire de l’argent qu’ils ont gagné. Parce qu’il n’y a rien à acheter. Que l’on n’invoque pas l’embargo du voisin étoilé : tous les touristes reconnaissent, dans leur assiette, les cuisses monstrueuses du poulet américain – un croisement de la dinde et de l’hippopotame. Ce qui manque à Cuba pour copier l’Occident, c’est un statut de la propriété. Eh bien, c’est en bonne voie : tout Cubain pourra désormais acquérir, échanger, vendre ou donner un… véhicule automobile. Incroyable, non ? Autant dire que l’industrie US devrait en profiter, car elle a capitalisé sur la robustesse de sa production : nulle part qu’à Cuba on ne trouve autant de « belles américaines » des années 1950, même si elles sont affublées d’un moteur de moulin à café soviétique. Les piétons des grandes villes n’ont qu’à bien se tenir : c’en est fini de leur tranquillité. Les Cubains ont vraiment de la chance : ils vont pouvoir, avec un demi-siècle de retard, revivre la même aventure consumériste que celle qui a intoxiqué l’Occident. En version accélérée : les banques du monde entier vont se hâter de leur prêter autant d’argent que nécessaire, et plus encore si affinités. Car voyez-vous, Cuba mérite une meilleur note que l’Oncle Sam. Certes, le pays ne possède rien ; mais il n’a quasiment pas de dettes. Merci, Fidel.

La recette du jour

Banquet de l’apostat

Pendant plus d’un demi-siècle, vous avez vécu dans l’ascèse révolutionnaire et observé vos voisins s’empiffrer. Vous avez matin et soir boulotté des haricots noirs et maintenu en vie votre bagnole décatie. Vous avez largement mérité votre excès de cholestérol, votre dose de gaz d’échappements et la promesse du surendettement : vous êtes mûr pour l’apostasie.

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