La Pomme au purgatoire

La Pomme au purgatoire

Désolé, mais il va falloir faire vite ce matin. Afin de ne pas rater le vol pour Douglas – oui, dans l’Ile de Man. Si vous ne le répétez à personne, on veut bien cracher le morceau : c’est là-bas que l’on a planqué nos petites économies. Sous l’aile bienveillante de Sa Très Gracieuse Majesté : le territoire ne fait pas partie de l’UE ; il n’appartient pas au Royaume-Uni mais à la Couronne elle-même. Une résidence secondaire de la Reine, en quelque sorte. Et un havre de tranquillité pour les capitaux nomades. Eh bien, voilà que ce sans-culotte de Cameron, qui veut faire son kéké à la prochaine réunion du G8, prétend maintenant « abattre les murs du secret bancaire » et traquer l’évasion fiscale jusque dans les chiottes de Buckingham Palace. C’est-à-dire qu’il s’apprête à fossoyer le principal fonds de commerce de la Grande-Bretagne après le fish and chips : la blanchisserie industrielle d’argent douteux. En foi de quoi a-t-il écrit à ses affidés des Bermudes, des Iles Vierges britanniques, des Iles Cayman, de Gibraltar, d’Anguilla, de Montserrat, des Iles Turks et Caicos, de Jersey, de Guernesey et, bien sûr, de l’Ile de Man : il leur faudra désormais dénoncer l’identité des titulaires de comptes. Une foucade ? Non, Sire : une révolution.

Dans le même temps, deux Sénateurs américains s’apprêtent à dévoiler les conclusions de la commission d’enquête qu’ils ont pilotée. Sur le comportement des grandes firmes en matière de fiscalité, et tout particulièrement Apple, l’illustrissime firme à la pomme, premier ingrédient de la compote du Nasdaq. Les Sénateurs ont ainsi révélé le secret de Polichinelle : le trésor en cash de l’entreprise, principalement détenu offshore, s’est pour une large part constitué grâce à son habileté fiscale. Depuis des lustres, Apple paie proportionnellement moins d’impôts sur les bénéfices qu’un smicard français sur ses revenus. Et ce, « légalement », c’est-à-dire sans contrevenir formellement à la réglementation fiscale des pays dans lesquels elle est implantée. Il était temps que les Sénateurs yankees se réveillassent, pour épingler une incongruité devenue notoire jusqu’au sein de l’Association des concierges de Tombouctou. Il faut donc voir là un signal vigoureux de l’offensive mondiale contre le secret et les paradis : si Américains et Britanniques, champions toutes catégories de la truanderie financière, acceptent de compromettre leurs propres firmes, c’est vraiment qu’une nouvelle donne est en train de se jouer. Et que les « petits » fraudeurs vont se faire égorger. Oui, Sire : une révolution.

La recette du jour

La chasse du Trésor

Vous avez déployé des trésors de finasserie juridique et des montagnes d’honoraires pour planquer vos petites économies dans un paradis terrestre. Mais voici venir le temps du Jugement dernier. Rapatriez derechef vos possessions. Et enfouissez biffetons et lingotins sous votre matelas, dans le congélateur ou sous le paillasson : les cambrioleurs sont moins dangereux qu’un Etat impécunieux.

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