Le temps et l'argent

Le temps et l’argent

L’affaire est depuis longtemps entendue : l’immobilier est un placement de long terme. Seulement voilà : combien de temps faut-il patienter pour atteindre le long terme ? La question est difficile à trancher car il s’agit d’une échéance relative, qui relève davantage de la philosophie que de l’économie. Encore qu’Aristote n’ait rien écrit sur le long terme, ni sur l’investissement immobilier, du reste : voilà pourquoi il n’est pas invité sur les plateaux de télé. Alors que Keynes l’a défini comme « quand nous serons tous morts » : une définition humoristique mais fautive, qui correspond en réalité à celle des calendes grecques. Mais il y a un fond de pertinence dans cette saillie : la perception du temps varie avec la longévité de l’espèce. Maintenant que nous vivons beaucoup plus vieux qu’au temps d’Aristote, avec le risque d’anosognosie, cette affection qui nous fait oublier toutes nos bêtises passées avant d’avoir atteint un âge canonique, le long terme s’étire sur une durée infernale. Résultat, on ne sait plus quand il faut vendre nos immeubles. C’est embêtant.

Dans sa grande mansuétude, le Gouvernement vient d’apporter une réponse définitive à un débat métaphysique qui menaçait de supplanter en intensité la Controverse de Valladolid. Selon la doctrine fiscale, les bénéfices patrimoniaux réalisés à court terme sont réputés « spéculatifs » – au sens keynésien du terme, s’entend, pas au sens aristotélicien. Ils sont donc sulfureux et méritent à ce titre une taxation punitive. Tandis qu’à long terme, les profits éventuels se réalisent à l’insu du plein gré des investisseurs, qui sont donc lavés de tout soupçon d’intention coupable. Ainsi, les plus-values immobilières (éventuelles) seront désormais exonérées d’impôt après une période de détention de… 30 ans. Tel est maintenant l’étalon du long terme vertueux : c’est une affaire de longue haleine. Reste à savoir ce que le législateur décidera du sort des… moins-values boursières, qui boulotent les portefeuilles comme une nuée de termites insatiables. La Bourse est aussi un placement de long terme : c’est ce que disent les gestionnaires. Principalement quand les cours baissent. En ce moment, mieux vaut sans doute écouter les philosophes que les économistes. Et en tout cas se montrer plus patient que le grand poète Johnny Halliday, lui qui a chanté : « Quand j’attends, c’est long, jusqu’à minuit. Oh oui, jusqu’à minuiiiit… »

La recette du jour

Stratégie patrimoniale

Vous venez de naître. Avant de prendre votre première tétée, foncez chez votre notaire pour acquérir un immeuble. Ainsi, à l’âge de 30 ans, vous disposerez d’un capital exonéré d’impôts. Ce sera un moyen efficace de subvenir aux besoins de vos parents, qui auront été laminés par la pression fiscale. Et qui ne percevront leur retraite que dans le long terme keynésien.

deconnecte