Le scrutin arabique

Le scrutin arabique

Voyez comme les temps sont chaotiques. Toute la semaine, on attend impatiemment que les pilotes de la planète décident de mesures hardies, pour corriger la dérive qui nous drosse tout droit sur des récifs menaçants. Et puis rien, sinon des incantations enfiévrées, des conciliabules convenus, des promesses rouées, des parlotes vaines : un simulacre de gouvernance, une volonté politique en fer blanc. Le dimanche, au contraire, marque d’ordinaire la trêve, histoire de donner aux journalistes un repos qu’ils ne méritent pas toujours. Pour le coup, c’est raté : ce dimanche, il y avait des élections. Oh non, on ne parle pas des sénatoriales, même si ses résultats font jaser dans le landernau : certes, la majorité de la Haute assemblée vient de basculer pour la première fois de son histoire. Mais ça ne fait pas pour autant du Sénat un repaire de gauchistes ni un vivier de révolutionnaires. On espère en tout cas que cet incident électoral n’altèrera pas la qualité du restaurant de la maison, où le billettiste est trop rarement invité, à son grand regret.

Non, les élections importantes de ce dimanche avaient lieu en Arabie Saoudite. Ah bon, vous ignoriez qu’il y eût des élections dans cette monarchie ? Pour ne rien vous cacher, nous aussi. Le pays dispose bien d’une Assemblée de concertation et de délibération, la Choura. Mais elle est seulement consultative et ses membres sont nommés par les autorités. En fait, le scrutin d’hier concernait les municipales et visait à élire les… 50% de conseillers qui ne sont pas désignés par le pouvoir. L’islam prohibant les jeux de hasard, voyez-vous, il ne saurait être question de risquer la majorité à la roulette électorale. En cette occasion, donc, le Roi Abdallah bin Abdelaziz al-Saoud (mieux connu sous son patronyme local : ???? ??????? ???????? ????? ??? ???? ?? ??? ?????? ?? ????), a lâché une véritable bombe : désormais, les femmes pourront voter et même être membres de la Choura. A partir des prochaines élections, soit dans quatre ans : à peine le temps de se préparer à la catastrophe. On ne sait quelle araignée a bien pu piquer Abdallah, mais on s’inquiète un peu de son état de santé. Certes, il n’a que 88 ans : il est donc peu suspect d’être atteint d’anosognosie, cette affection qui trouble la mémoire des vieux dirigeants. Mais oublier de la sorte la tradition fondamentale, c’est tout de même suspect. On tremble à l’idée qu’une prochaine lubie ne lui fasse accorder aux femmes le droit de travailler. Ou pire encore, celui de conduire une automobile. Ce serait un véritable séisme qui n’aurait qu’un équivalent : la prise de La Bastille par les Sénateurs. Que le Ciel nous protège !

La recette du jour

Retraite paisible

Vous avez dépassé l’âge légal de la retraite mais vous ne voulez pas renoncer au confort de rester aux affaires. Si vous êtes Sénateur, acceptez l’idée que votre institution change de majorité, pourvu qu’elle ne disparaisse pas. Si vous êtes Roi d’Arabie, préférez accorder aux femmes des droits incongrus avant que la morale du monde ne s’arme contre vos intérêts.

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