Le prix de la vertu

Le prix de la vertu

Qu’est ce que ça rapporte aujourd’hui d’être un pays rigoureux dans la gestion publique et vertueux dans la politique monétaire ? Comment ça, un tel pays n’existe pas ? Mais si, mais si. Et ce qu’il gagne surtout, ce sont des embêtements : il ne fait pas bon être raisonnable dans un monde qui a perdu la boule. Les Suisses en font de nouveau la malheureuse expérience : leur monnaie est devenue aussi précieuse que l’or en barres, face aux grandes devises – notamment l’euro, au cas d’espèce – devenues suspectes d’être touchées par le phylloxera monétaire. Une cochonnerie dévastatrice qui, comme son homologue autrefois responsable de l’anéantissement du vignoble français, provient des Etats-Unis : l’hygiène financière de ce pays est déplorable. Et la Croix Rouge ne dispose pas d’antiseptiques assez puissants pour assainir les marchés. Il en résulte que la Franc suisse est devenu tellement cher que le plus modeste chocolat local se trouve valorisé au prix de la truffe périgourdine : les exportations helvétiques commencent ainsi à en souffrir méchamment, mettant en péril la croissance du pays.

Est-ce la raison pour laquelle les actions suisses ont, ces derniers jours, plus fortement baissé que leurs homologues européennes ? On ne saurait l’affirmer, mais le contexte est suffisamment électrique pour avoir décidé l’Institut d’émission à prendre des mesures offensives. La BNS va en effet augmenter considérablement la masse de monnaie centrale disponible (50 milliards de CHF sur un montant actuel de 80 milliards de monnaie légale) et réduire à 0.25% son taux d’escompte (contre 0.75%). Le dispositif est simple : elle ne va pas renouveler les bons qu’elle avait émis l’année dernière, en contrepartie des Francs créés pour l’achat massif d’euros (visant à soutenir le cours de la monnaie européenne). Même si ces bons étaient faiblement rémunérateurs, les Banques locales y avaient souscrit massivement dans leurs comptes ouverts à la BNS, dont les dépôts sont ordinairement dépourvus d’intérêt. Les Banques commerciales vont ainsi se retrouver gavées de liquidités : les taux du marché monétaire vont tendre vers zéro, rendant peu attractifs les placements courts en Franc suisse. Ce qui devrait relâcher la pression sur la devise et faire baisser son cours. Théoriquement, du moins. Et que vont faire les banques commerciales de tout cet argent ? Si elles sont cliniquement morales, elles soutiendront l’économie autochtone. Sinon, elles auront un gros tas de munitions pour des aventures spéculatives. Une longue pratique de la vertu pourrait ainsi conduire à des tentations sulfureuses.

La recette du jour

Les malheurs du vainqueur

Vous avez continument résisté aux sirènes de l’argent facile et à la magie de l’effet de levier du crédit. Vous avez toujours privilégié la discipline du travail et la saine pratique de l’épargne. Parfait : vous êtes donc Auvergnat, Suisse, ou Martien. Mais comme le reste du monde a fait exactement le contraire, vous êtes maintenant cerné. Car la théorie est formelle : la mauvaise monnaie chasse la bonne.

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