Le potlatch et l'impôt

Le potlatch et l’impôt

La générosité, c’est drôlement compliqué. Voilà qui explique, sans doute, le succès planétaire de l’égoïsme et de l’avidité, caractéristiques du système dominant : le marché est le champ de bataille permanent où s’affrontent les intérêts opposés du vendeur et de l’acheteur ; mais la transaction sonne la fin du combat. Elle permet à l’une des parties de rafler la mise et à l’autre de sauver la face. Un bon marchandage et basta, la guerre prend fin. Tandis que l’économie du don repose sur une architecture culturelle beaucoup plus complexe, comme l’a montré en son temps l’anthropologue Marcel Mauss. Qui a popularisé la notion de potlatch, cette cérémonie caractéristique de certaines sociétés primitives dans laquelle le chef distribue ses biens – jusqu’à la ruine complète – lors de festivités pharaoniques. Mais le don appelle le contre-don. La générosité crée de la dette et façonne le lien social. L’individu acquiert la reconnaissance en se dépouillant de sa richesse au profit de ses contemporains, ces derniers entrant alors en dépendance par la règle que nous appelons trivialement le renvoi d’ascenseur.

C’est dire si la situation du célébrissime David Beckam est épineuse. Comme nous l’avions pressenti ici, ses velléités de potlatch se heurtent aux dures réalités de l’économie de marché. Il est ainsi confronté, nous dit la presse, à la nécessité de « négocier pour devenir le mécène de l’hôpital Necker ». Obligé de batailler ferme pour pouvoir offrir aux enfants malades le salaire à lui servi par le PSG – ou à tout le moins une partie. A croire que ni cet établissement, ni l’Urssaf, ni les services de Bercy n’ont lu l’Essai sur le don de Marcel Mauss. Résultat : ils ne sont pas chauds pour le contre-don que supposent les largesses du footeux anglo-franco-qatari. A croire que l’hôpital Necker n’a pas de compte numéroté à Singapour ou dans les îles anglo-normandes. On ne voudrait pas médire, mais ce n’est pas étonnant si notre système de santé est dans la dèche.

La recette du jour

Charité bien ordonnée

Vous êtes exténué par le combat qu’impose l’économie de marché et ulcéré par les impôts qui sanctionnent votre prospérité. Lisez Marcel Mauss et convoquez vos avocats fiscalistes. Vous ferez don de l’intégralité de votre fortune à une fondation chargée de secourir les déshérités. Elle vous servira une pension généreuse et non imposable jusqu’à la fin de vos jours.

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