Le Père Noël en grève

Le Père Noël en grève

A force de se tromper, les autorités de la planète finissent par avoir tort. D’évidence, elles n’ont pas découvert la méthode qui permet de remettre la pâte dentifrice dans le tube. En lecteur assidu de ce journal, vous saviez déjà que l’entreprise était impossible. Mais comme tout un chacun, vous ignoriez le moment où le déni de réalité ne serait plus tenable. Il semble bien que ce temps soit arrivé. Car la sphère financière, orgueilleuse de sa victoire par K.O technique sur la sphère politique, entretenait une illusion de même nature. L’illusion selon laquelle son business allait mettre la planète entière en coupe réglée, sous la protection du blindage public lui garantissant d’échapper aux dommages collatéraux ordinaires du brigandage. Une situation dans laquelle les Etats se trouvent affermés par la Banque jusque dans les coins les plus reculés, grâce à la magie de la globalisation. Seulement voilà : on ne peut pas tondre un œuf. Le stock de dettes était invraisemblable avant la crise ; il l’est encore aujourd’hui et s’accroît par les pratiques usuraires infligées aux pays les plus exposés. Il va maintenant falloir constater ce que l’on a refusé d’admettre jusqu’à ce jour : qu’une bonne partie des dettes ne peut pas être remboursée. Qu’il faut donc les annuler, avant que les cautions ne soient à leur tour emportées.

Selon la rumeur, les marchés financiers searient dotés d’un sens infaillible de l’anticipation. Si tel est le cas, l’horizon de leur double-vue n’est pas très éloigné. Il a fallu que deux événements, largement prévisibles, soient attestés, pour que la trouille s’empare des marchés. Le premier, c’est que la croissance n’est pas au rendez-vous pour rendre défendable l’absence de stratégie américaine. Donc que l’Oncle Sam est condamné à se noyer dans un océan de dettes. Le second, c’est que la BCE chipote et refuse (jusqu’à maintenant…) de soulager le marché en achetant les titres espagnols et italiens – très malmenés. On pourra toujours reprocher à Trichet sa morgue légendaire, lui faisant accroire que sa seule apparition publique, et quelques propos anodins, suffisent à apaiser le climat boursier. C’est pathétique, certes. Mais les « marchés » le sont encore plus, en croyant au Père Noël. Et en se convainquant qu’ils peuvent spéculer sans frein parce que les banques centrales et les Etats prendront à leur charge les pots cassés. Papa passera payer, en somme. Eh bien voilà : Papa ne peut plus payer. Et il ne sait plus comment s’y prendre pour dissimuler le fait qu’il est décavé. Le rêve s’envole. L’humanité financière va peut-être devenir adulte. Ce sera douloureux…

La recette du jour

Du bon usage des légendes

Vous n’avez jamais cru que la légende du Père Noël pouvait traumatiser vos enfants. Et vous avez raison : quand ils perdent leurs illusions, votre amour pour eux demeure intact. Il n’y a pas de rancune. Mais ne racontez jamais des billevesées à ceux qui ne vous aiment pas. Car lorsqu’ils découvriront le pot-aux-roses, ils vous poursuivront de leur vindicte jusqu’aux portes de l’enfer.

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