Le mouton médusé

Le mouton médusé

Il va nous falloir réactualiser le registre des métaphores animalières. Que l’on doit pour une large part au talent de La Fontaine, lequel avait largement pompé sur les fables d’Esope. C’était au temps où les emprunts littéraires ne soulevaient pas des tempêtes d’indignation, auprès d’un public qui pourtant limite ses lectures à celle du programme télé de la semaine. Il faut donc réactualiser le registre pour le rendre accessible aux contemporains. Aujourd’hui, l’expression âne bâté ne donne plus de sens : voilà belle lurette que l’animal ne sert plus au transport. Tout au plus nourrit-il l’artisanat prospère du saucisson corse. Pensez-donc : on se déplace désormais par les airs, et les hélicoptères se passeront bientôt de pilote. Que dire du mouton noir ou de la brebis galeuse  ? Le premier n’est pas si rare et fait maintenant œuvre utile en broutant les pelouses de la capitale ; la seconde a renoncé à la gale pour adopter la mode de la tremblante, autrement plus tendance. Si bien que toutes ces vieilles expressions appellent au contresens.

Ce qui est moderne, c’est le mouton phosphorescent. Et là, voyez-vous, ce n’est pas une métaphore. Ni une créature fantasmagorique domestiquée par Harry Potter. Cette grosse luciole à poil laineux est issue de la tambouille génétique d’alchimistes uruguayens et le l’Institut Pasteur. Ce lampadaire à quatre pattes résulte de l’assemblage en laboratoire d’un mouton ordinaire et d’une méduse commune. Résultat, notre mouton s’illumine dans le noir dès qu’il est arrosé d’ultraviolets. C’est drôlement utile pour les bergers des alpages, lorsqu’ils égarent une brebis. Enfin, pas exactement : de l’aveu même des chercheurs, ce clonage n’a aucune finalité pratique. Mais un grand intérêt scientifique, car il ouvre la voie à d’autres greffes génétiques de grande portée. On pourra ainsi envisager de transplanter chez le mouton l’ADN d’une armoire normande : on obtiendra des mastards en loupe de noyer qui n’auront plus rien à craindre du loup. Lequel devra se rabattre sur tous les chaperons rouges de la contrée. Moralité : à cause des progrès de la science, plus aucune mère-grand ne voudra habiter en forêt. C’est malin.

La recette du jour

Truffes en cloche

Vous admirez les avancées de la science génétique mais vous ne savez pas comment les exploiter. Il y a pourtant quantité d’opportunités. Par exemple, vous pouvez greffer sur vos chênes truffiers les gènes des Cloches de Corneville. Vous n’aurez ainsi aucune peine à repérer vos truffes sonnantes, et vous obtiendrez des recettes trébuchantes

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