La paternité par usucapion

La paternité par usucapion

C’est devenu sacrément complexe, la famille. A cause de la généralisation du remariage précoce, qui favorise l’éclosion d’une nouvelle fratrie. Et bientôt à cause de la banalisation de l’homoparentalité, qui nécessite l’intervention d’un tiers agissant dans le processus dynastique. Le discours aux enfants en est bouleversé. Dis, maman, c’est vrai que les filles naissent dans les roses ? Non, ma chérie : les enfants naissent au tribunal. Pas étonnant que les mouflets soient perturbés : les histoires d’ogres et de sorcières sont supportables pour l’imaginaire enfantin. Mais celles de juges et d’avocats sont objectivement terrifiantes. Même pour les adultes, en fait. Autrefois, les enfants nés hors mariage étaient soigneusement dissimulés ; aujourd’hui, ils font l’objet de revendications multiples, même de la part de personnes qui n’ont pas eu de rôle actif dans la genèse de l’affaire, si l’on ose dire.

Avec le pragmatisme qui les caractérise, les Américains sont en train d’apporter au problème une solution circonstanciée. Les Californiens, plus exactement : ils sont champions de l’innovation dans la technologie familiale. Plutôt que de s’écharper à perpétuité en tentant vainement de départager les candidats à la parentèle, autant les déclarer tous admissibles au statut. Un enfant pourrait ainsi avoir quatre, six ou huit parents, selon que ces derniers soient les semeurs de la petite graine ou qu’ils aient, à un moment ou à un autre, figuré dans la photo de famille. Comme énième conjoint de l’un de leurs géniteurs, par exemple. C’est en quelque sorte la transposition d’une vieille règle juridique française, l’usucapion : se comporter longtemps en propriétaire d’un bien permet d’en revendiquer la propriété. Ainsi, dorloter un enfant comme le sien permet d’en revendiquer la paternité. Non exclusive, toutefois, les autres parents conservant leurs droits. Les enfants ainsi crédités de la multi-parentalité y gagneront, pour leur plus grande joie, un supplément de cadeaux d’anniversaire. Mais ils y perdront le principal argument de rébellion à l’adolescence. Car dans les foyers recomposés, il ne leur sera plus possible de dire « t’es pas mon père » ou «  t’es pas ma mère » pour refuser l’autorité. Ils devront faire profil bas et appeler leur avocat.

La recette du jour

Education à l’ancienne

Vous ne vous êtes marié qu’une seule fois et n’avez pas l’intention de renouveler l’expérience. Il n’empêche que vos enfants adolescents ne cessent de vous exaspérer et de contester votre autorité. Tentez de leur expliquer les bienfaits de la stabilité familiale. Si vous n’y parvenez pas, expédiez-les en Californie. Pour qu’ils se trouvent d’autres parents. Et un avocat.

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