La finance selon Houdini

La finance selon Houdini

Savez-vous ce qui a, hier, dopé le moral des marchés financiers ? L’espoir de voir enfin une solution au problème lancinant de la dette européenne. Un miracle ? L’Irlande serait-elle sauvée par la découverte, dans ses eaux territoriales, d’un cargo chargé d’argent qu’un sous-marin malveillant aurait coulé pendant la Deuxième guerre ? Pas vraiment : d’une part, le trésor ne représente que 240 tonnes de métal, soit seulement quelques jours d’intérêts sur la dette du pays ; d’autre part, ce sont les découvreurs qui se tailleront la part du lion. Comme ils disposent d’une licence de chercheurs de trésors, ils bénéficient d’une quasi-immunité au moment des faits : le droit international est formel sur cette question, voyez-vous. En conséquence, il serait vain et inutile, pour l’Irlande, d’invoquer l’inviolabilité de ses profondeurs territoriales. C’est donc pour d’autres motifs que les Bourses se sont vigoureusement raffermies hier, et les places asiatiques poursuivent dans cette voie ce matin.

Alors, de quoi s’agit-il ? Les financiers applaudissent des deux mains une suggestion hardie de l’ingénierie financière, visant à diluer les mauvaises créances (celles qui sont déjà pourries et toutes celles qui deviennent blettes) dans un fonds commun de créances (FCC) pimpant, piloté par la Banque européenne d’investissement, une institution honorable. Ce FCC serait doté, en capital, par le Fonds européen de stabilité financière (FESF), dont l’accouchement s’est révélé difficile et l’allaitement parcimonieux : les nourrices sont nombreuses mais la plupart d’entre elles sont taries. Ainsi donc, grâce à un modeste apport en capital et une signature réputée prestigieuse, le FCC en question pourrait à son tour emprunter pour racheter les rossignols dont les marchés ne veulent plus : selon les prestidigitateurs à l’origine de ce nouveau tour, l’effet de levier serait d’environ 8 à 1. Magique. Comment est-il possible que les opérateurs aient trouvé cette idée lumineuse ? C’est tout bonnement incompréhensible : on ne peut résoudre le problème des débiteurs impécunieux en leur prêtant de nouveaux fonds pour leur permettre de racheter leurs dettes anciennes. Ce serait purement abracadabrantesque. Du reste, il semble bien qu’une hypothèse aussi farfelue ne figure absolument pas au menu des réflexions stratégiques de la BEI. En est-on réduit, en haut lieu, à tester la réaction des marchés en agitant des amulettes ? Si tel était le cas, les retours de bâton seraient douloureux : les autorités ne pourront éternellement se prévaloir de l’immunité. Car il est une règle immémoriale : en matière d’argent, il est impossible de prévenir durablement les dommages collatéraux en alignant un chapelet de salamalecs.

La recette du jour

Solvabilité sauvée des eaux

Vous êtes empêtré dans un écheveau de dettes que vous ne parvenez pas à détricoter. Annoncez que vous avez découvert un trésor dans votre étang. Avec lequel vous allez capitaliser un fonds qui rachètera vos vieilles dettes avec des dettes toutes neuves. Vous aurez la paix deux ou trois jours. Quand les créanciers dénonceront votre duplicité et brandiront les crocs de boucher, faites valoir votre immunité.

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