La bactérie Robocop

Il va nous falloir remettre à zéro les connaissances acquises en matière de biologie. On avait appris que l’ADN, cette carte-mémoire de l’information génétique, est une longue molécule composée d’une succession de quatre nucléotides : l’adénosine, la cytidine, la guanosine et la thymidine. Toujours la même bande des quatre, toujours ensemble, jamais d’intrus : le vivant se construit avec des briques d’un modèle unique. C’est que dame Nature est économe, voyez-vous, et elle a préféré standardiser les matériaux de construction : ça coûte moins cher. Il n’empêche que voilà peu de temps, des scientifiques ont découvert, au fond d’un lac volcanique, des bactéries qui étaient parvenues à prospérer dans un milieu à ce point hostile qu’il était inimaginable d’y trouver un semblant de vie. Leur méthode ? Elles avaient réussi à saquer l’un des nucléotides institutionnels et à le remplacer par un étranger plus coriace. La communauté scientifique a alors émis quelques prudentes réserves sur cette découverte inappropriée.

Et voilà, nous rapporte Le Temps, que dans un laboratoire d’Evry est née la première bactérie xénobiotique, c’est-à-dire « étrangère à la vie ». Une bactérie dans laquelle la thymine a été remplacée par le 5-chloro-uracile, dont la structure est voisine mais qui était réputé toxique pour les êtres vivants. Le mutant a été obtenu dans la « machine à évoluer » mise au point par ce labo : on mène la vie dure à ces bactéries en les soumettant à des « pressions de sélection ». Beaucoup meurent. Les survivantes subissent alors une pression plus forte, et ainsi de suite. A la longue, vous obtenez une bestiole Robocop, qui s’est reconstruite avec des matériaux plus performants et à ce titre se montre capable de survivre en enfer. On s’en doute, de telles manipulations soulèvent quantité d’interrogations et ne vont pas manquer de générer des polémiques. Pourtant, une telle avancée est porteuse d’espérances fortes pour l’espèce humaine. Laquelle est soumise à des pressions considérables : la tyrannie du travail, la spoliation des impôts, la curiosité des voisins, la mauvaise foi des politiques et la détérioration de l’environnement. S’il conservait son vieil ADN, l’homo sapiens n’aurait aucune chance de survivre dans un milieu aussi hostile. Voilà pourquoi il nous faut remercier les autorités du monde entier, qui s’emploient avec constance à pourrir la vie de leurs concitoyens. Ils ont construit une efficace « machine à évoluer » qui devrait immuniser nos descendants contre toutes les nuisances des temps présents. C’est chouette, la science.

La recette du jour

Education de mutants

Vous êtes conscient du fait que la vie au quotidien devient de plus en plus difficile. Et qu’il vous faut donc préparer vos descendants en conséquence. Maltraitez vos enfants : gavez-les de sucreries, obligez-les à suivre le journal télévisé, imposez leur des études d’économie. Ils renforceront ainsi leurs défenses immunitaires. Ou bien ils verseront du cyanure dans votre café.