L'impôt sur le gâteau

L’impôt sur le gâteau

N’allez pas croire que le psychodrame fiscal soit réservé aux pays riches en voie de paupérisation. Il afflige également les pays pauvres en voie d’enrichissement. Figurez-vous que la Chine frôle en ce moment la situation insurrectionnelle, alors que se déroule la fête dite « de la lune » ou « du 15 août », car célébrée le soir du 15ème jour du 8ème mois lunaire – qui tombe rarement le 15 août, soit dit en passant. Mais c’est toujours un soir de pleine lune, car l’astronomie chinoise est aussi précise qu’une toquante suisse, et aussi infaillible que le parti communiste autochtone. Ainsi donc, la coutume veut qu’en cette occasion on offre des gâteaux de lune, une variante laïque de l’étouffe-chrétien occidental. Selon la légende, il s’agirait de commémorer la glorieuse victoire de Zhu Yuanzhang, fondateur de la dynastie Ming, sur les descendants mongols de Gengis Khan : les messages secrets auraient été dissimulés dans cette pâtisserie boîte-aux-lettres (on comprend mieux qu’elle soit conçue pour résister au pied-de-biche). Pour le « 15 août », donc, le pékin offre à sa famille des gâteaux de lune. Et les entreprises chinoises, qui ont la réputation bien méritée de dorloter leur personnel, en distribuent également aux employés. C’est là que commencent les ennuis.

Car le fisc chinois veille au grain et se montre beaucoup plus rigoureux que son homologue français. Un cadeau est toujours considéré comme un avantage en nature, à ce titre taxé (à 20%) dans les mains de l’heureux bénéficiaire, sur la base d’une valeur forfaitaire établie par… l’administration. Ainsi, la boîte de gâteaux de lune a une valeur fiscale de 300 yuans (32 euros) alors que sa valeur de marché serait de 50 yuans : le cadeau reçu par le salarié lui coûte donc plus cher en impôts (60 yuans) que s’il l’achetait lui-même. Inutile de préciser que les Chinois ainsi gratifiés ont les crocs. Mais il ne saurait être question de refuser le présent de l’employeur : ce serait lui faire perdre la face. On espère de tout cœur que les stratèges de Bercy ne lisent pas Le Quotidien du Peuple, d’où l’information est extraite. Car en cette période de chasse à la recette, ils pourraient être tentés d’imiter les Chinois et de fixer à 120% le taux de l’impôt sur le revenu. Ce serait, convenons-en, un moyen assez efficace pour restaurer l’équilibre budgétaire, et la signature de la France pourrait ainsi s’élever à AAAAA, comme celle de la bonne andouillette. Mais il y a des risques : quand un gouvernement se met à saigner ses contribuables, l’histoire finit le plus souvent en eau de boudin.

La recette du jour

Gâteau de thunes

Vous êtes déprimé chaque fois que vous devez payer vos impôts. Sortez la bétonnière de votre atelier et confectionnez des gâteaux de lune. Puis offrez-les au Comptable du Trésor en même temps que le chèque de votre contribution. Si c’est un homme avisé, il ne touchera pas au cadeau et vous fera remise de 120% de vos impôts. Dans le cas contraire, il sortira édenté de la dégustation : vous serez vengé de la gourmandise du fisc.

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