Le talon étalon

Le talon étalon

Il va falloir cesser de se gausser des agences de notation, jusqu’à maintenant suspectes de ne pas voir plus loin que le bout de leur nez. Elles se sont désormais attelées à des prévisions de (très) long terme, avec un entrain rafraîchissant. Déjà, en janvier dernier, Fitch avait exploré un nouveau filon prometteur : le vieillissement de la population. Lequel présente l’avantage d’être aussi prévisible que la saison des impôts. En foi de quoi l’Agence a-t-elle annoncé que s’ils ne prenaient pas les dispositions ad hoc, bien des pays subiraient une sévère dégradation de leur note d’ici à… 2050. Font ainsi l’objet d’un avertissement sans frais le Japon, l’Irlande et Chypre. C’est sans doute bien vu, sauf que Chypre était manifestement plus exposée au risque bancaire immédiat qu’à celui de sucrer les fraises aux calendes grecques. Mais Standard & Poor’s vient de rajouter une louche dans l’alerte ultra-préventive, et dénombre 50 pays de vieillards impécunieux à cette même échéance – parmi lesquels la France, bien entendu. En tout cas, on a compris le message : il est temps de raboter les pensions, d’allonger les carrières, de payer ses dettes, de moucher son nez et de dire bonjour à la dame. Merci du tuyau, mais on était déjà au courant.

Les économistes ont moins de chance s’agissant d’anticiper la croissance à venir : on exige d’eux des prévisions à un an, dont tout le monde se souviendra quand les faits viendront les démentir. C’est un métier ingrat, que l’on ne conseillerait pas à son pire ennemi. Il y a pourtant des méthodes de prévision considérablement moins sophistiquées que les modèles économétriques, mais paradoxalement assez performantes. Non, pas les entrailles de poulet : aujourd’hui, on ne peut plus avoir confiance en l’identité de la tripaille. Beaucoup plus simple : il s’agit d’observer les codes vestimentaires. Des chercheurs anglais ont réactualisé la thèse américaine de George Taylor, dans les années 20, avec son « hemline index » (indice de l’ourlet), postulant que la taille des jupes est corrélée à la conjoncture : courtes en période de croissance, plus chastes en phase d’austérité. Les British, eux, se sont intéressés aux chaussures de ces dames et ont constaté que les hauts talons témoignent de l’euphorie économique. Avec l’humour de potache qui les caractérise, ils ont baptisé leur indice « Footsie index » (to play footsie, c’est faire du pied). Hélas pour les Européens et pour les boute-en-train, ce sont les talons plats qui sont maintenant à la mode. Et l’on redoute de voir s’installer la tendance aux va-nu-pieds. Si donc, mesdames, votre interlocuteur baisse le nez au lieu de reluquer le balcon, ce n’est ni par pudeur ni par timidité : il s’agit tout simplement d’un enquêteur de l’Insee qui étalonne la croissance à venir. Car c’est au pied féminin que l’on reconnaît la prospérité de demain.

La recette du jour

Les habits du succès

Vous êtes entrepreneur et à ce titre légitimement soucieux de productivité. Imposez les codes vestimentaires de la réussite : mini-jupes et talons-aiguille pour ces dames, caleçons arlequin pour ces messieurs. On ne peut rien prédire pour les bénéfices de l’entreprise, mais on garantit que le moral des troupes s’en trouvera fermement relevé.

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