L’égalité à la suédoise

Vous avez sans doute trouvé surprenant qu’une nation aussi raffinée que la nôtre, mère des Arts, des Armes et des Lois, une nation qui a inventé les Droits de l’Homme et les cuisses de grenouille à la Provençale, puisse un jour frôler la guerre civile pour une querelle picrocholine ; vous avez sans doute jugé improbable qu’un peuple aussi cultivé, aussi tolérant, aussi pacifique que le nôtre, puisse un jour s’entredéchirer sur un thème aussi badin que l’appariement de deux individus de même sexe. Au moment où les jeunes couples conventionnels dédaignent en masse l’institution du mariage, au moment où les couples installés divorcent plus souvent qu’ils ne s’acoquinent, la revendication d’un statut marital démocratisé passe, reconnaissons-le, pour une tocade un tantinet anachronique. Un caprice d’enfants gâtés qui ne justifie pas de soulever des manifestations houleuses, des propos haineux ni des pugilats à l’Assemblée : tant les partisans que leurs opposants se conduisent comme des racailles. Nos contemporains sont-ils à ce point comblés de bienfaits qu’ils cherchent désespérément un os de discorde à ronger ? Notre légendaire sens de la nuance, nos dispositions innées pour la rhétorique sophistiquée nous auraient-ils abandonnés ? On ne saurait le dire. Mais sans que cela soit rassurant, il y a pire en matière de dispute saugrenue.

Les Suédois ont la réputation d’être très à cheval sur le respect de l’égalité des sexes. Pour preuve, la moitié des élus sont des femmes, idem pour les ministres. Et le pays n’est pas plus mal en point que ses voisins. Pas mieux loti non plus, il est vrai (ne râlez pas : on plaisante). En tout cas, cette obsession de l’égalité va se nicher jusque… dans les toilettes. Un député vient de déposer une proposition de loi visant à obliger les hommes à s’asseoir pour uriner. Car selon lui, il serait profondément inégalitaire que les hommes pussent continuer à abuser du privilège de pisser debout. On doit avouer n’avoir plus pensé à cette injustice flagrante depuis la sortie de l’école maternelle. Mais de telles initiatives expliquent aisément pourquoi les citoyens perdent toute confiance dans leur représentation politique. Et ne soyez pas surpris si demain, la Suède tire la chasse sur son Parlement et fomente un coup d’Etat. Sous la bannière des fabricants de vespasiennes et des mâles prostatiques.

La recette du jour

Carrière freudienne

Vous avez fait le tour des ficelles de votre métier et vous commencez à vous ennuyer. Réagissez et devenez député. L’Assemblée nationale française n’est pas mal : on peut s’y castagner à la récré pour des queues de billes. Mais le Parlement suédois est mieux : on y est bien payé pour régresser jusqu’à la petite enfance. Alors qu’une psychanalyse, ça vous coûterait les yeux de la tête.