Confusion à tous les (...)

Confusion à tous les étages

Les scénaristes professionnels savent la difficulté de faire naître une histoire et d’imaginer des rebondissements assez puissants pour maintenir l’intérêt du public, sans être trop tirés par les cheveux : il ne faut pas sacrifier la vraisemblance. C’est un art délicat qui commande de tutoyer la ligne jaune de la crédibilité : trop en-deçà et l’histoire est fadasse ; trop au-delà et elle est ridicule. Mais les scénaristes les plus talentueux parviennent à naviguer dans l’extravagance sans être taxés d’outrance ; ils savent exploiter la propension du public à accepter les hypothèses les plus improbables, au nom d’une conviction qui se renforce : notre monde serait régi par d’incessantes manipulations, par une constante propagande, par un complot généralisé. Un état de confusion qui asphyxie complètement la raison.

Avec les développements de l’ « affaire DSK », les scénaristes les plus téméraires d’Hollywood sont battus à plates coutures. Après quelques vues d’ambiance entrecoupées de plans rapprochés, voilà que le démon priapique se mue en victime de la lutte des classes, une proie de la prostitution ancillaire qui serait tolérée, voire organisée par une grande chaîne hôtelière, elle-même acoquinée aux services secrets français, lesquels auraient stipendié un ponte de la police locale en lui faisant décerner la Légion d’honneur – une distinction qui fait rêver le monde entier. Et les camérières concernées placeraient les revenus de leur turbin dans le trafic de drogue, le chantage et probablement le financement des activités terroristes – bien que l’information n’ait pas encore filtré. Bref, d’une histoire de caniveau qui a, d’évidence, donné lieu à une exploitation opportune par tous ceux qui avaient intérêt à agir (ils sont nombreux), on en arrive à la suspicion d’une conspiration intergalactique qui finit même par paralyser les « amis » politiques de l’intéressé, dans le marathon pittoresque de la « candidature à la candidature » présidentielle. Un peu de bons sens ne serait pas malvenu. Nul ne saura jamais ce qui s’est exactement passé dans la suite, ni qui a pris l’initiative, ni s’il y a eu préméditation machiavélique. Mais un fait est attesté et reconnu par les parties : il y a bien eu des ébats sexuels. Alors, de grâce, que l’on veuille épargner à la France le risque d’être un jour représentée par un Président dont personne n’ignorera qu’il peut perdre l’esprit pour une gâterie. Notre pays a déjà suffisamment exploité les occasions de se rendre ridicule.

La recette du jour

Pâté de confusion

Vous êtes embourbé dans une sombre histoire qui témoigne de votre imprudence et de votre sensibilité clinique aux démons de la chair. Faites vous juger aux Etats-Unis et ne lésinez pas sur la dépense. Vous ferez émerger des scénarios invraisemblables qui sèmeront la confusion dans l’opinion et chez les jurés. Rien ne sera absolument vrai, mais tout ne sera pas complètement faux.

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