CNN marche sur des (...)

CNN marche sur des oeufs

Eh bien, il ne manquait plus que ça. On savait déjà que les relations diplomatiques entre les Etats-Unis et la Chine sont sur le fil du rasoir : les deux pays ont toujours une bonne raison de s’adresser des amabilités. Qu’il s’agisse de la monnaie, du commerce, de la démocratie, du temps qu’il fait ou des bonnes manières, Américains et Chinois sont rarement sur la même longueur d’onde. Mais comme Pékin n’est pas aussi riche que Washington en bimbeloterie guerrière, les héritiers de Mao – tout occupés en ce moment à fêter les 90 ans du Parti communiste chinois – finissent toujours par baisser les yeux et par ensevelir leur courroux sous les copeaux de cette merveilleuse langue de bois, qui était en usage en Chine bien avant que le PCC n’en acquît une maîtrise d’ébéniste distingué. Bref, les dirigeants de ces deux grandes nations ne sont d’accord sur rien, sauf sur le fait qu’ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, et qu’il faut bien composer avec ses sentiments pour que la vie continue, sans recourir aux violences conjugales qui font toujours mauvais effet sur les enfants comme sur les voisins. Une sorte de détestation tranquille.

Seulement voilà. Fidèles à leur réputation de gougnafiers impénitents, qu’ils assument avec la dégaine crâneuse de loubards de banlieue, les Yankees viennent de commettre un acte irréparable. Ils ont (presque) réussi à faire perdre la face à la totalité de la population chinoise, pour une fois unie sous la violence de l’insulte : les « Longs nez » de CNN ont créé le label du « plat le plus écœurant du monde », ce qui ne manque pas d’audace de la part de ces analphabètes de la gastronomie. Mais le pire, c’est qu’ils ont attribué le prix aux « œufs de cent ans » chinois, une spécialité qui suscite là-bas un consensus plus favorable que la pensée de Mao. Bon, reconnaissons que tout non-Chinois a de quoi être dérouté : pour obtenir des œufs de cent ans, il suffit d’enrober des œufs frais d’un emplâtre de boue et de chaux, plus des herbes aromatiques si affinités, et d’oublier le tout au fond de la cave pendant quelques semaines, voire quelques mois. Aux termes de l’attente, on casse la gangue et l’on découvre un jaune couleur de sulfate de cuivre, enrobé d’une gelée pisseuse, le tout dégageant le parfum délicieusement caractéristique de l’œuf pourri. Pour quiconque n’est pas prévenu, c’est en effet un choc. La vue et l’odeur, s’entend. Pour ce qui est du goût, le billettiste ne peut apporter son témoignage, sa témérité n’allant pas jusqu’à s’exposer à de telles aventures. Mais afin de préserver les excellentes relations que Paris entretient avec Pékin, on se doit de préciser que les œufs de cents ans sont un mets recherché. En Chine. Chez nous, on continue de préférer les œufs frais. Sans en faire tout un plat comme ces rustauds de gringos.

La recette du jour

Gastronomie et culture

Vous avez vos petites manies gastronomiques héritées de l’enfance. Comme celle de tremper une tartine beurrée dans votre bol de café, ce qui est objectivement répugnant. Pour continuer d’assumer vos tares congénitales sans vous exposer aux sarcasmes, évitez de prendre votre petit-déjeuner avec les journalistes de CNN. Ou remplacez le café par du whisky bon marché.

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