Bercy pousse à la Médiatio

Bercy pousse à la Médiation inter-entreprises

Le non-respect des délais de paiement constitue la première cause de recours à la médiation, d’après le rapport d’activité de la Médiation inter-entreprises. Mais d’autres pratiques abusives se développent. Bercy encourage la poursuite de la démarche de médiation, notamment via les filières.

Certaines entreprises donneuses d’ordre font preuve d’une ingéniosité sans cesse renouvelée pour profiter de leur position de force vis-à-vis de leurs fournisseurs : la dernière « combine » en vogue consiste à demander aux fournisseurs une ristourne proportionnelle au bénéfice qu’ils ont tiré du crédit impôt compétitivité et emploi (CICE). C’est ce qu’a dénoncé Pierre Pelouzet, médiateur national des relations inter-entreprises. Le 27 mai, il remettait son rapport d’activité à Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, à Bercy. Au total, 1 000 dossiers ont été traités à ce jour depuis la création de la Médiation, il y a trois ans, à travers des médiations individuelles et collectives. « Notre but est de reconstruire de la bonne relation », a commenté Pierre Pelouzet. D’après le rapport, dans 80% des cas, les deux parties se sont déclarées satisfaites de la solution trouvée. Et sur la durée aussi, l’impact semble positif : les accords trouvés lors du processus sont respectés, et après six mois, dans 60% des cas, les échanges entre les deux entreprises ont même augmenté.

La principale cause de recours à la médiation demeure le non-respect des délais de paiement qui prend des formes diverses, du paiement au-delà du délai légal, en passant par la délocalisation des services achats à l’étranger, ou le retard volontaire de la facturation. Suivent la rupture brutale du contrat et le détournement de la propriété intellectuelle. Mais la liste est plus longue : y figurent des conditions contractuelles imposées à la formation du contrat, des modifications unilatérales de ce dernier, un contrat à prix ferme sans prise en compte des fluctuations des matières premières, des pénalités de retard abusives, des activités non rémunérées, des modalités de commande inacceptables, comme une annulation de commande non indemnisée… La répartition des saisines par secteur en attribue 41% à l’industrie, 28% aux services, 12 au BTP, la même proportion dans le commerce et la distribution, et 7 % au service public. Outre les actions menées par les 30 médiateurs régionaux et 10 nationaux délégués, la Médiation inter-entreprises met en œuvre d’autres dispositifs. C’est le cas de la Charte des relations inter-entreprises, dont les entreprises signataires s’engagent à respecter dix engagements pour des achats responsables et à développer une relation partenariale avec leurs fournisseurs. Quelque 400 entreprises y adhèrent, dont les trois plus récentes, Accenture, Ipsen et Transdev, ont signé ce 27 mai à Bercy. Autre outil, mis en place l’an dernier : le « label fournisseur », obtenu après un audit effectué par Vigeo sur la mise en œuvre effective de la charte. Et le médiateur compte également sur les actions des filières. « Nous voulons nous appuyer de plus en plus sur les filières. Pour cela, nous allons créer des instances de médiation par filière co-construites avec les fédérations professionnelles », a annoncé Pierre Pelouzet.

Témoignages de médiations réussies

Deux PME ayant eu recours à la Médiation avaient été invitées à témoigner lors cette remise du rapport. Catherine Barthélemy, PDG de la société Manuloc, qui loue des machines de manutention industrielle, comme des chariots élévateurs, estime que la Médiation a permis de débloquer la situation avec un client qui ne voulait pas renouveler son contrat, mais continuait à utiliser le matériel de la société. « C’était un risque énorme  », commente Catherine Barthélemy : le matériel n’était pas entretenu, et, en cas de panne, un possible blocage de la production du client aurait pu être imputé à sa société. Au final, la procédure de médiation a été bouclée en une semaine, et le protocole d’accord trouvé entre les deux parties a été respecté.

Autre exemple, l’entreprise Coutier industrie est une habituée : son représentant témoigne avoir saisi la Médiation une quinzaine de fois, notamment dans des affaires de détournement de la propriété intellectuelle. Pour lui, cette voie permet de trouver un terrain où la PME se situe sur le même plan que son interlocuteur donneur d’ordre, et de poursuivre des relations commerciales « sereines  », avec la grande entreprise. Dans les deux cas, ces industriels ont estimé que la voie de la justice n’aurait pas permis de résoudre leur problème. «  Toute action en justice traine pendant des années  », a expliqué le représentant de Coutier industrie. « La justice n’était pas une solution. Cela aurait duré des mois et des mois, et une solution de justice n’aurait pas pu être appliquée. (…) Avec la Médiation, nous sommes dans un domaine de la négociation, et c’est le plus approprié à l’entreprise », a renchéri Catherine Barthélemy.

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